Les petites mains

Marianne Ajac

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Marianne Ajac

Tabitha habitait dans une petite maison rouge à la lisière de la forêt. Elle vivait là avec ses deux mamans, Maman Helena et Maman Sacha. Tabitha connaissait bien les habitants de la forêt : elle voyait souvent les écureuils sauter de branche en branche, les cerfs dans son jardin et les oiseaux sur le rebord des fenêtres. Mais elle n'aurait jamais pensé qu'ils puissent un jour entrer dans sa maison rouge.

Un jour, alors que Maman Helena préparait le petit déjeuner, elle eut l'air très fâchée :

— Tabitha, pourquoi la boite à gâteaux est-elle vide ?

Tabitha n'avait pas mangé les gâteaux. Elle fronça les sourcils :

— Je ne sais pas.
— Ce n'est pas bien de mentir ! Si tu as mangé les gâteaux, tu dois me le dire.
— Mais ce n'est pas moi ! cria Tabitha qui n'était pas contente qu'on la dispute pour rien.

Maman Helena ne répondit pas, mais elle resta fâchée toute la journée. Tabitha se demanda si ce n'était pas Maman Sacha qui avait mangé les gâteaux en cachette.

Le soir, quand Maman Sacha la borda pour la mettre au lit, Tabitha lui demanda :

— C'est toi qui as mangé les gâteaux ?

Maman Sacha soupira :

— Non, Tabitha, ce n'est pas moi. Et si ce n'est pas moi ni Maman Helena, alors il ne reste que toi. Si tu as mangé les gâteaux, ce n'est pas grave. Mais ce qui est important, c'est de dire la vérité.
— Je ne les ai pas mangés, répéta Tabitha qui commençait à se demander qui pouvait bien être le coupable.

Le lendemain, elle chercha toute la journée, mais elle ne trouva pas de trace du voleur de gâteaux. Quand arriva le moment d'aller se coucher, elle s'endormit en essayant de s'imaginer à quoi il pouvait bien ressembler.

Et puis, dans la nuit, un bruit dans la cuisine réveilla Tabitha.

« Le voleur de gâteaux ! » pensa-t-elle en enfilant ses chaussons pour descendre surprendre le coupable.

Elle fila à la cuisine sur la pointe des pieds, en faisant bien attention de ne réveiller ni Maman Helena ni Maman Sacha. Elle entendit le bruit du couvercle de la boite de biscuits tomber au sol et puis des petits crounch crounch crounch.

Tabitha passa la tête pour voir qui était le mystérieux voleur. Elle ne vit d'abord que des petites mains noires attraper les gâteaux. En s'approchant tout doucement, elle vit une boule de poils rayés, un peu plus grosse qu'un chat, avec un masque noir sur les yeux... Un raton laveur !

— C'est toi le voleur ! s'exclama Tabitha. C'est toi qui as tout mangé !

Le raton eut peur et lâcha le gâteau qu'il tenait pour filer se cacher dans un placard.

— Je te vois, dit Tabitha en tirant sur la queue rayée qui dépassait du placard. Tu n'es pas très bien caché...

Elle ouvrit la porte du placard tout doucement et trouva le raton caché entre les boites de haricots et le pot de farine.

— Ce n'est pas très poli de voler chez les gens, dit-elle en croisant les bras. À cause de toi, mes mamans sont fâchées contre moi.
— Je suis désolé, répondit le raton en baissant les yeux. Je ne voulais embêter personne. Seulement, l'hiver est bientôt là et je n'ai pas encore assez de graisse pour résister au froid.

Tabitha le laissa sortir du placard et le raton lui tendit la patte en disant :

— Je te présente toutes mes excuses. On fait la paix ?
— D'accord, fit Tabitha en serrant sa petite main dans celle du raton, mais je ne veux plus que tu voles dans la cuisine. Si tu as besoin de quelque chose, tu n'as qu'à demander.
— Tu ne vas pas me dénoncer à tes mamans, si ? demanda le raton, la queue entre les pattes.
— Pas pour cette fois, décida-t-elle. Si tu me dis de quoi tu as besoin pour l'hiver, je peux peut-être t'aider.
— J'ai besoin de choses grasses et sucrées, expliqua le raton.

Alors Tabitha passa une partie de la nuit à nourrir le raton. Elle lui fit des tartines succulentes, avec du miel, du beurre de cacahuète et de la confiture. Après, comme le raton avait toujours faim, elle lui donna les restes du repas du soir avec un peu de fromage. Sans qu'ils s'en rendent compte, tous les deux vidèrent le frigo et une bonne partie des placards de la maison.

Le lendemain, les mamans de Tabitha la trouvèrent endormie dans la cuisine, le raton à côté d'elle, le pelage encore plein de miettes et de miel.

— Je crois que nous avons trouvé notre voleur de gâteaux, dit Maman Helena.
— On dirait qu'ils se sont bien amusés, dit Maman Sacha en regardant les restes du festin sur la table.

Les deux mamans réveillèrent Tabitha et le raton qui ronflait à cause de toute la nourriture qu'il avait avalée. 

— Regardez ce que j'ai trouvé ! s'exclama Tabitha, toute contente.

La petite fille expliqua à ses mamans ce que le raton lui avait raconté, à propos de l'hiver et comment elle l'avait aidé.

Maman Sacha et Maman Helena furent très fières de Tabitha, qui avait si gentiment aidé le raton.

Quant au voleur, il fut bien obligé de s'excuser d'avoir causé un tel bazar et jura de ne plus recommencer.

Il fut vite pardonné et avant de retourner dans la forêt il secoua sa patte pour dire au revoir à Tabitha.

Depuis, chaque automne, il n'est pas rare de voir un raton frapper à la porte de la maison rouge au bord de la forêt. On raconte qu'il en repart toujours un peu plus gros que quand il est arrivé et que Tabitha lui garde toujours des gâteaux de côté, au cas où.

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Illustration : Pablo Vasquez

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